Bastien Chauvet, superviseur des effets visuels chez MPC Paris, nous détaille sur son parcours, ses routines de superviseur en studio ainsi que ses conseils de superviseur en tournage.
- Depuis combien de temps travailles-tu chez Mikros/MPC ?
J’ai commencé en tant que superviseur des effets visuels chez MPC Paris afin de prendre en charge la saison 1 de la série Starz The Serpent Queen en Aout 2021. Ensuite, j’ai enchainé avec le film Netflix Murder Mystery 2, puis le “projet top secret très cool” que nous faisons en ce moment.
Avant cela, j’avais déjà travaillé il y a 8 ans avec les mêmes équipes à l’époque de Mikros VFX en tant que graphiste sur Le Renard et l’Enfant ou Vent Mauvais, puis j’étais revenu à quelques reprises faire un peu de tournage quand il y avait besoin de renfort.
- Quel a été ton parcours pour devenir Superviseur VFX ?
J’ai voulu faire ce métier depuis que j’ai l’âge de 7 ans, lorsque j’ai compris grâce à un reportage sur le film Jurassic Park que l’on pouvait gagner sa vie en fabriquant des dinosaures ! Ça ne m’a pas lâché depuis.
A 16 ans, j’ai créé une association de théâtre et de cinéma qui s’appelle Soudja, et c’est là que j’ai pu commencer à réaliser mes premiers maquillages d’effets spéciaux, mes premières projections, mes premiers trucages VFX. Avec ces expériences, je me suis créé un portfolio avec lequel je suis rentré à l’école Georges Méliès. Mon film de fin d’étude étant à 100% en VFX.
Ensuite, j’ai été engagé à l’E.S.T par Christian Guillon et Arnaud Fouquet, où j’ai appris l’excellence de la précision, puis chez Def(2)shoot avec Franck Malmin où j’ai appris à aller à l’essentiel.
Dès lors, tout est aller très vite : Christian m’a emmené sur le tournage d’Astérix 3, Franck m’a confié des petits projets solos, puis à 2 ou 3 artistes, puis des pubs. Quatre ans après ma sortie de l’école, je me suis retrouvé superviseur VFX sur un long-métrage !
- En quoi consiste ton métier ?
Mon métier est assez complet. En fait c’est très proche d’un chef en cuisine. J’élabore la recette, monte une brigade, puis je goutte jusqu’à ce que l’assiette puisse être servie à la table du client !
Dans la plupart des cas je reçois un scénario que j’analyse, puis je détermine comment le fabriquer, l’équipe et le budget qu’il faut pour faire le film.
Ensuite, je vais sur le tournage pour m’assurer que tout se déroule comme prévu. Puis je reviens au studio pour constituer l’équipe et commencer la fabrication.
Je supervise toute la fabrication en m’appuyant bien sûr sur l’ensemble de l’équipe, jusqu’à ce que j’estime les plans bons et, je l’espère, notre client aussi !
Evidement selon les productions cela peut varier. Si le studio intervient sur une partie du film seulement et qu’il y a un VFX Sup général côté client, il est alors rare que nous participions à la conception du trucage, voir au tournage.
- Quelle est la journée type d’un superviseur VFX au bureau et d’un superviseur VFX en tournage ?
Le Superviseur au bureau a besoin d’une routine.
C’est important de pouvoir structurer sa journée pour pouvoir répondre à tout le monde ! Pour l’équipe, cela permet aussi de savoir quand elle peut avancer seule, et quand elle aura des temps d’échanges et de constructions.
La journée commence généralement par une réunion d’une heure entre le.s VFX Sup, le.s Directeur.rice.s de Production, CG Supervisors et 2D Supervisors. L’idée et de faire rapidement le point sur la veille, les retours client de la nuit (quand on travaille avec l’étranger) et le plan de bataille de la journée.
Ensuite je rentre en Dailies, qui est une séance de visionnage journalière. Là je regarde l’avancée des travaux de la veille, donne des retours si besoin. J’essaie de conserver un temps pour les réunions extraordinaire (réunion de studio, lancer une séquence, un gros shot, un asset) et un temps personnel pour établir des références précises. Puis en fonction des jours c’est alors l’heure de revoir des shots sortis dans la matinée ou de faire une review avec les clients.
Sur un plateau de tournage, la vie est surtout faite d’imprévus…!
Il faut alors être sûr d’avoir anticipé et préparé le plus de chose possible la veille du tournage, puis une fois sur place il faut toujours être alerte. Le secret est d’observer tout ce qui se passe, comment les plans se tournent, intervenir quand il le faut, et surtout être présent lorsqu’on vous appelle.
Ensuite il faut s’assurer de rentrer au studio avec tout ce qu’il faut, sans faire perdre trop de temps à l’équipe de tournage qui a un planning souvent très serré. Souvent j’hésite à demander de prendre telle ou telle référence sur le tournage ou bien de refaire une prise, mais il suffit que je m’imagine de retour au studio à devoir justifier à un artiste en détresse que je n’ai pas ces éléments que cela suffit à me remettre dans le droit chemin 🙂
- Qu’est-ce que tu dirais à un/e adolescent/e qui voudrait faire le même métier que toi ?
Ce que je dis déjà à mes étudiants à l’école Méliès : de se cultiver ! Dans tous les sens du terme.
Les VFX sont une branche de la magie. Nous sommes des illusionnistes. Nous devons faire croire à l’irréel. Pour se faire il est impératif de savoir comment le réel fonctionne ! En optique, en informatique, bien sûr, mais également en anatomie, en chimie, et science du comportement. Il n’y a pas une seule de ces disciplines qui ne m’ait pas servi lorsque j’ai dû imiter une créature, un environnement, un fluide, une vapeur ou donner vie à de l’aquarelle !
Se référer à l’histoire est primordial dans notre métier. Il est important de savoir comment les pionniers ont fait pour ne pas avoir à refaire le même chemin, ou au contraire comprendre comment emprunter un raccourci. Donc regardez beaucoup de films et des making-of !
Apprenez ce que c’est un sport d’équipe : personne ne peut faire un film tout seul aujourd’hui. Un superviseur VFX ne peut être bon partout. Par contre il doit s’entourer de gens compétents. Vous êtes le chef, et paradoxalement vous n’êtes pas là pour avoir raison ! Vous y êtes pour guider, pour cultiver justement. Ça veut dire aussi reconnaitre la voix de la raison quand elle vient d’ailleurs.
- Quel est la partie/le moment préféré de ton métier ?
J’aime assez les “premières fois”. Quand on démarre un asset ou une séquence et que tout le monde est réuni pour en parler, quand les premiers looks arrivent, puis les premières animations. Lorsque les créatures commencent à prendre vie, quand on assemble les premiers éléments et qu’on voit que “ça va marcher”.
En fait j’aime quand “la magie opère !”.
- Pour toi, quel est le point culminant de ta carrière aujourd’hui ?
En tant qu’artiste c’est bien sûr mon passage à Weta FX. C’est un rêve de gosse que j’ai eu la chance de pouvoir cocher. En tant que Superviseur le point culminant c’est ce que je vis en ce moment.
C’est finalement rassurant, car cela veut dire que ce n’est pas terminé !
- Quel est le plan dont tu te souviendras toute ta vie ?
Je pense à 2 plans dans “Océans”.
Le premier est un plan où une baleine sort de l’eau est glisse au raz de la caméra. Le plan a été tourné dans un “champ de baleine” avec 2 bateaux lié par une grue. Malheureusement, le jour où une baleine se décide à passer entre les bateaux, le soleil est derrière et l’ombre de la grue s’étant sur toute la peau de l’animal. Aujourd’hui ce shot serait considéré comme facile avec les outils de SmartVector ou autre technologie. Mais en 2009, nous avions dû tout réinventer : à l’aide d’une roto animation de la baleine, sur laquelle on a projeté, puis backé le shot. On a ensuite analysé chaque image pour retrouver les patterns de peau sans l’ombre et recréer la texture “à l’identique” et créer un patch CG. Il était primordial pour le couple de réalisateur de garder le plus de live possible.
Dans le même film il y a un plan d’un grizzly qui pêche un saumon. Sauf qu’arrivé à l’aéroport, un douanier Canadien a trouvé de bon ton de passer la bobine au rayon X, puis d’entrouvrir le couvercle protecteur… pour vérifier. Résultat, un voile mouvant d’un micro-grain rouge qu’il a fallu isoler et restaurer. Pour ces 2 cas il y avait une vraie stratégie innovante à mettre en place, rentrer un peu dans “le cœur du pixel”.
- Qui t’inspire ?
Adolescent j’avais des poster Rick Baker dans ma chambre. Encore aujourd’hui ce sont ces personnes qui m’inspirent. Backer, Winston, Dykstra, Murren, Tippet, Dick Smith, Ray Harryhausen, Alexeif, Georges Méliès, Robert Houdin!
Des individus autant artistes que technicien et qui ont su repousser les limites.
J’ai parfois pensé que j’étais né trop tard, qu’ils avaient déjà tout inventé. Mais le temps-réel ou les nouveaux défis technico-éthique que pose l’IA montre qu’il y a encore plein de terrain à explorer, comprendre, modeler.
- Quel est ton film préféré ?
The Fountain de Darren Aronofsky. Il y a tout ce qui fait le cinéma.
Ce film est à la fois un film indépendant, et un monument des effets visuels.
Il mélange un nombre incroyable de technique mais le tout est avant tout au service d’un propos et d’une histoire magnifique. La musique est incroyable. Les temps morts du montage en disent plus que n’importe quelle séquence.
Et il y a ce plan incroyable de la renaissance où tout est là. Si je devais résumer le cinéma en 1 plan ce serait celui-ci. L’image et la musique au service du propos.
- Quel est ton film MPC préféré ?
Comme beaucoup je pense que c’est le Livre de la Jungle, car il a été un vrai tournant pour MPC. Notamment sur le plan des créatures. Il a établi un nouveau standard que Le Roi Lion a poussé encore plus haut quelques années après. Lorsque les clients viennent nous trouver, ce sont ces films qu’ils ont en tête. Nous devons donc toujours les prendre comme point de départ car il est impossible de rendre une copie “moins bonne”. C’est très challengent au quotidien.
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